@oceane_pilastre fige l’insaisissable. Elle fixe la transition, conserve le changement. À travers différents médiums et techniques, elle constitue une collection d’artefacts pétrifiés dans leur putréfaction. Pourtant, c’est l’imputresci- bilité qu’évoque son travail, et ce n’est pas la mort, dans le sens de la fin, qu’elle rassemble, mais la possibilité d’autres états, de renaissances et de transformations. Hors de tout parcours linéaire, de tout ordre corseté, elle interroge les tensions entre humanité et animalité, entre inertie et animosité.
Dans le formol ou grâce au tannage, elle capture l’organique, contraint dans des espaces clos, où il est étriqué et prisonnier, et où il prend de nouvelles formes. La tension entre humanité et animalité que révèle la fébrilité hybride de ses compositions, entre vie et décomposition, explique peut-être son attrait pour les muséums d’histoire naturelle, où elle se sent plus à l’aise que dans des institutions d’art contemporain. Ses références sont plus franchement architecturales ou littéraires qu’artis-tiques au sens plastique et, surtout, c’est le phénomène du vivant, et son caractère éphémère et changeant qui semble déterminer l’essentiel de sa pratique.
Cette peau de sanglier (« Ötzi », 2023) gisant sur un tas de paille ressemble à ces paréidolies d’enfance, lorsque l’on voit, passager arrière d’une quelconque voiture familiale, des formes indistinctes en bord de route, que l’esprit ne tarde pas à traduire comme des carcasses déformées par la décomposition et les charognards ou comme des tas d’ordures et des restes de chantier. Le brun d’une fourrure mitée fait écho à ces carrosseries rouillées et défoncées balancées dans des ravins ou au creux d’un virage de campagne. Elle pourrait aussi être la dépouille ratatinée de l’homme du chalcolithique dont elle tire son nom. Cette grosse bête morte fait écho à une photo de voiture de rallye qui ressemble dans son élan à une sorte de danseuse. Extrait du texte d’Emmanuelle Luciani
OCÉANE PILASTRE
