romain charbon

Au début ma peinture est un jaillissement, des projections, des tracés spontanés, des collages, du grattage… Tous les matériaux se mélangent: pigments, bombes, enduits, acrylique, laque, pastels à l’huile, photocopies et même une crissante guirlande de Noël ! Couleurs et formes vibrent ensemble. Quelque chose de très brut : j’aime Pollock, Joan Mitchell et de Kooning, mais aussi déjà Sonia Delaunay.

Ce qui prévaut c’est le plaisir de peindre, le plaisir du geste et des sensations qui l’accompagnent. Sentir le feutre glisser sur la feuille matte. Le pinceau gorgé de peinture qui s’écrase sur la toile, la couleur qui gicle sur la surface plane. Tout ça en rythme grâce à la musique que j’écoute à fond ( le rock et ses dérivés: punk, hardcore, fusion etc…). Ah le kiff de mettre de la peinture partout  en écoutant « Low self opinion » d’Henry Rollins ! Si vous aviez vu la tête du carrelage de l’appart dans lequel je vivais à l’époque ( merci papa de l’avoir nettoyé au moment de mon départ ! ).

… Et puis quelques années plus tard c’est la gueule de bois ! J’entends une interview de Francis Bacon qui dénigre la peinture « décorative » et je me sens visé ! Je n’ai aucune idée de ce que je veux dire dans mes images et soudain ça me gène ! Et si ce n’était qu’une forme sans contenu ?! Les boules ! Après une période de K.O je reprends les pinceaux et les markers. Je recommence tout simplement à faire. Avec une régularité certaine. Et petit à petit les choses bougent, évoluent : des figures, des silhouettes émergent de mes gribouillis et autres tracés abstraits. Nous voilà arrivés au confinement, c’est la révolution ! J’appose mes premiers mots sur des toiles ! Mon travail prend la direction de ce qu’est l’auto-fiction en littérature en ce sens que j’utilise mon quotidien pour alimenter le contenu de mes dessins et peintures.

Mes « Oeuvres » racontent ma vie ou plutôt ce que je suis. Ainsi en août 2020 je présente au Génie de la Bastille mon exposition: « Ma mère trouve ça super ! », soit une douzaine de peintures grands formats que j’ai réalisées durant le confinement. Elle interroge la frontière qui existe entre l’intime domestique et l’artistique.
Aujourd’hui il y’a donc cet axe autobiographique qui alimente mes images, mais aussi toujours la veine abstraite et minimaliste que ne m’a jamais quittée. Comment faire naitre le beau du prosaïque ? Ainsi par exemple ma série « Enlarge your post-it ! » qui consiste en une demi douzaine de reproductions de post it à un format de 1 mètre x 1 mètre. Est-ce que le fait d’agrandir ce qui n’est qu’un gribouilli ou une liste de course ne le rend pas beau, signifiant ou même majestueux ?

La dernière extrapolation en date de mon histoire familiale consiste en peintures représentant des pelotes de laine de couleurs et de tailles différentes qui sont autant de portraits de ma mère. Pour moi cet objet l’évoque en effet très bien ( elle avait l’habitude de beaucoup tricoter notamment devant la télé ). Peut-être un jour trouverais l’objet qui représente mon père !